À l’aube de ce mandat, j’avais évoqué la possibilité de laisser ma place en cours de route ; en concertation avec l’équipe municipale qui est au complet, j’ai donc pris la décision de me retirer de la fonction de maire.
Elu maire de la commune du Juch en mars 2014, j’ai pris mon engagement à cœur sur la durée de ces deux mandats, et essayé de travailler au mieux au service de la commune et de ses administrés. Au cours d’une première expérience de conseiller dans la mandature précédente, j’avais pu découvrir le fonctionnement d’une petite collectivité, m’impliquer sur certains dossiers, participer à quelques délégations extérieures et voir l’importance de l’échelon communautaire pour notre territoire. J’étais bien loin de prendre la mesure de la tâche de maire dans une commune comme la nôtre. Avec mes deux équipes municipales, nous avons engagé et porté des projets d’envergure. D’un diagnostic réalisé en collaboration avec des partenaires comme FIA et le CAUE, nous avons rapidement écrit un projet global d’actions à porter. La rénovation et l’extension de notre salle socio, les amples travaux de restauration de l’église, les améliorations des entrées de bourg à la fois pour les sécuriser et les renaturer, la réhabilitation intégrale du réseau d’éclairage public, la réhabilitation de zone humide et la création d’un cheminement doux aujourd’hui incontournable pour la vie du bourg ; le développement de l’aire de loisirs pour en faire un espace que les habitants se sont bien approprié… De nombreux dossiers nous mobilisèrent lors du premier mandat.
Pour ce qui est du second mandat, la création de notre service d’autopartage, l’installation d’équipements dédiés au vélo, le réaménagement de la voirie en centre bourg, la rénovation de la maison des sœurs pour en faire une salle multi-activité et un logement, l’aménagement d’un local pour un chiropracteur, et bien sûr le vaste chantier de réaménagement de l’ilot cœur de bourg pour y accueillir un bar-épicerie-multi-service et un cabinet dentaire ont rempli notre quotidien.
Ces réalisations qualitatives, reconnues par les administrés et de nombreuses institutions sont le fruit d’un engagement sans faille de nos agents communaux. Nous pouvons en être fiers, et les en remercier. Cette dynamique si positive pour notre commune s’est pourtant développée dans un environnement institutionnel de plus en plus complexe. Inutile de rappeler la problématique de la baisse des dotations, les différents transferts de compétences menés à marche forcée dans lesquelles nous avons du mal à trouver notre place, la complexité du montage des dossiers de subvention pourtant nécessaires à nos communes qui ne disposent pas d’ingénierie à la hauteur. Déjà pas simple, il a fallu assumer la crise sanitaire puis la crise énergétique, les incidences de la guerre en Ukraine et maintenant celles de la crise politique que connaît notre pays.
A l’échelon local, le contexte communautaire peu serein est aussi source d’inquiétudes, d’incertitudes et de flottement dont nous subissons les aléas. Les règlements de comptes politiques au sein de notre EPCI ont des implications fortes pour notre commune, retardant ou remettant en cause des projets qui paraissaient pourtant une évidence : mobilité, collecte des déchets, travaux de voirie, élaboration du PLUIH….. et surtout suite aux tergiversations de quelques élus, la perte de deux années dans l’évolution de la Step du Juch qui bloque toute extension d’urbanisme sur la commune. L’engagement communautaire porté depuis maintenant plus de dix ans par les élus communautaires juchois, perd pour moi de plus en plus de sens. Après les nombreuses démissions d’élus engagés, les départs de nombreux cadres experts, l’horizon devient sombre, et la lisibilité du projet commun disparaît.
Ce sentiment d’impuissance et d’épuisement est aussi amplifié par l’évolution du chacun pour soi, la généralisation des attitudes vindicatives, et de l’exigence des administrés mis en exergue à l’occasion des tempêtes, sans parler de la judiciarisation des relations avec certains. Ce climat global d’agressivité et de défiance devient délétère et envahit le quotidien des élus. Le maire est évidemment en première ligne, « à portée de baffe » comme le disent certains en souriant, mais il n’y a malheureusement pas matière à sourire.
On demande au maire d’être à l’écoute, d’être disponible, de répondre au plus vite aux questions insolubles par d’autres, d’être technicien expert en tout, de trouver des financements de plus en plus rares, de manager des équipes en surchauffe et surtout d’encaisser la multitude « d’agressions textuelles » qui lui sont adressées sans broncher. L’image du maire qui porte sur ses épaules est belle, mais encore faut-il que ses épaules puissent tenir la charge de plus en plus lourde. Trop engagé et peu à l’écoute de ses propres limites, il finit par se mettre en danger car l’échelle des priorités n’est pas la même pour tous, et le droit à l’erreur ne lui est généralement pas autorisé.
Cette analyse du contexte d’exercice de mon mandat, fait apparaître les limites que j’ai atteintes et le besoin de me recentrer sur ma vie personnelle. Je fais le constat qu’il me sera difficile de continuer à fournir l’énergie nécessaire pour poursuivre mes engagements comme je l’entends et qu’il serait bien plus raisonnable que je prenne maintenant du temps pour moi.
En concertation avec les membres de mon équipe municipale qui est encore complète, nous avons donc réfléchi à la réorganisation nécessaire des attributions de délégations. Après ma démission, au cours du conseil municipal programmé le mardi 22 Octobre, nous procéderons à l’élection d’un nouveau maire qui poursuivra le travail engagé.
Je suis fier du travail accompli avec mes équipes successives, et reste confiant dans leur capacité à poursuivre nos engagements.
Patrick TANGUY